Alors que les évaluations génétiques n’ont jamais été aussi précises (ÉPD améliorés par la génomique), il est regrettable de constater que la majorité des producteurs de bovins se fient encore au poids de naissance du taureau pour juger de sa facilité de vêlage. Bien que ce caractère soit effectivement la cause première des dystocies, il n’en demeure pas moins un indicateur génétique peu fiable car très dépendant des effets de l’environnement. On sait par exemple qu’un taureau né jumeau ou issu d’une taure sera plus léger à la naissance alors qu’il sera plus lourd s’il vient au monde après un hiver très froid, si l’alimentation a été trop généreuse pendant la gestation, ou s’il  est le résultat d’un transfert d’embryon et que la porteuse est une vache de grande taille. Toutes ces situations n’ont rien à voir avec son potentiel génétique – donc aucunement héréditaires – malgré leur influence considérable sur le poids de naissance. On oublie souvent que la régie et l’environnement sont responsables de 60% des écarts observés au niveau de ce caractère et que l’impact des gènes se limite à 40% … réparti à part égale entre le taureau et la vache. Or, le taureau est souvent le seul à porter le blâme lorsque la saison de vêlage tourne mal  malgré le fait  que la vache contribue  autant que lui au bagage génétique du veau. Il est pourtant possible qu’un taureau reconnu « facile au vêlage » engendre de gros veaux s’il est accouplé à des taures dont le profil génétique pour le poids de naissance est très mauvais.

 

Servez-vous des ÉPD !

 

L’ÉPD d’un taureau est  beaucoup plus précis que son poids de naissance pour vous donner l’heure juste quant à son réel bagage génétique parce que son calcul tient compte de tous les animaux qui lui sont apparentés et que les effets du milieu ont été éliminés. Et malgré la croyance populaire, son utilisation est simple : un taureau dont l’ÉPD « poids de naissance » est de 6 lb produira en moyenne des veaux plus lourds de  5 lb comparativement à celui dont l’ÉPD est de 1 lb  (6 lb – 1 lb = 5 lb). Les ÉPD ne prédisent jamais les poids absolus – 90 lb à la naissance ou 600 lb au sevrage, par exemple – car ceux-ci dépendent beaucoup du type de vaches que vous possédez, de votre régie, de la météo,  etc ;  mais ils vous informent plutôt sur les écarts auxquels vous devez vous attendre en utilisant un taureau plutôt qu’un autre.

 

Même si l’ÉPD « poids de naissance » est un indicateur très utile, vous avez à votre disposition un ÉPD spécifique à la facilité de vêlage dont le calcul tient compte non seulement des poids de naissance mais indirectement aussi des facteurs ayant une influence sur les cotes de vêlage fournies par les éleveurs qui participent aux différents contrôles de performance : conformation du veau, longueur de gestation, ouverture pelvienne, etc. Pour cette raison, les généticiens considèrent qu’il est plus efficace de se servir uniquement de l’ÉPD « facilité de vêlage » et de ne pas se préoccuper de l’ÉPD « poids de naissance » car l’important pour vous n’est pas tant la grosseur du veau que de ne pas avoir à intervenir lors de sa naissance.

 

À cause des corrélations entre les caractères, il ne faut pas oublier non plus qu’une sélection continue pour de faibles poids de naissance risque de réduire les poids au sevrage. Il existe deux types d’ÉPD relatifs à la facilité de vêlage : l’ÉPD « facilité de vêlage directe » vous permet de prévoir l’écart dans le pourcentage de naissances sans assistance lorsque vous utilisez un taureau chez des taures. Par exemple, si deux taureaux sont accouplés à 100 taures chacun, vous pouvez vous attendre à ce qu’il y ait six taures de plus qui vêlent sans aide dans le groupe du taureau à + 8 comparativement à celles qui auront été présentées au taureau à + 2. Quant à l’ÉPD « facilité de vêlage maternelle », il concerne spécifiquement l’aptitude des filles du taureau à mettre bas leur premier veau. On peut ainsi s’attendre à ce qu’un taureau dont l’ÉPD est de + 9 engendre  12% plus de filles vêlant sans assistance à deux ans comparativement à celui dont l’ÉPD est de – 3.

 

Il est important de se rappeler que les ÉPD pour la facilité de vêlage directe et maternelle sont calculés à l’échelle des taures étant donné que les problèmes de vêlage touchent principalement cette catégorie de femelles. L’ÉPD « facilité de vêlage directe » devient donc beaucoup moins important à considérer dans le cas d’un taureau utilisé strictement chez des vaches adultes. Par contre, son ÉPD « facilité maternelle de vêlage » demeure pertinent si l’on prévoit conserver ses génisses pour le remplacement. Cette stratégie contribuera à accroître la proportion de vos femelles capables de vêler sans aide même lorsqu’elles seront accouplées à des taureaux engendrant de plus gros veaux.

 

 

Par : Pierre Desranleau, T.P.
Division des bovins de boucherie
Ciaq