« J’aime beaucoup ce taureau parce qu’il me produit des veaux sans cornes dans 80 % des cas », « J’ai fait inséminer une vache acère avec la semence d’un taureau acère et j’ai obtenu un veau à cornes. Comment cela est-il possible ? », « Je viens de me procurer un nouveau taureau. Il est à cornes mais ses grands-parents étaient acères. J’ai bon espoir qu’il me produira un certain nombre de veaux sans cornes ! ».
Ces énoncés vous sont familiers ? C’est fort possible, parce que depuis plusieurs années déjà, on remarque un véritable engouement de la part des éleveurs de bovins de boucherie pour les animaux acères (sans cornes). En même temps, ils sont le reflet d’un aspect de la génétique qui est souvent mal compris et qui crée de la confusion dans l’esprit de plusieurs. Pour y voir plus clair, revoyons donc les principes régissant la transmission des cornes chez l’espèce bovine.
Il faut se rappeler tout d’abord que chaque animal possède dans son code génétique une paire de gènes (2) qui déterminera s’il sera ou non pourvu de cornes. Lors de sa conception, le veau hérite donc d’un gène de chacun de ses parents pour ce caractère. Il est aussi primordial de savoir que le gène « acère » (A) domine le gène « à cornes » (a). Partant de ces énoncés, nous aurons alors trois combinaisons génétiques possibles :
1- L’animal reçoit de ses parents deux gènes « acères » (AA)
Il sera acère et dit homozygote parce qu’il possède deux gènes identiques pour ce caractère. Puisque ce sont deux gènes dominants, il ne produira alors que des veaux acères, peu importe le type de vaches avec lequel il sera accouplé.
2- L’animal reçoit d’un de ses parents le gène « acère » et de l’autre, le gène « à cornes » (Aa)
Il sera lui-même acère puisque (A) domine (a). On l’appellera acère hétérozygote parce qu’il porte deux gènes différents. Cet animal ne pourra engendrer plus de 50 % de veaux acères s’il est utilisé uniquement chez des vaches à cornes (voir tableau).
3- L’animal reçoit de ses parents deux gènes « à cornes » (aa)
C’est la seule combinaison qui produira des cornes chez un bovin puisque le gène acère dominant n’est pas présent.
Pour mieux visualiser le tout, examinons les six différentes possibilités dans le tableau suivant :
Nous comprenons maintenant pourquoi il est si important pour l’éleveur désirant obtenir une récolte de veaux acères de bien connaître la différence entre les mots homozygote et hétérozygote. Mais au fait, comment détermine-t-on si un taureau est hétérozygote ou homozygote pour le caractère acère ? C’est très simple. Si un taureau acère est accouplé uniquement avec des femelles à cornes et qu’il engendre un seul veau avec des cornes, il est automatiquement classé « hétérozygote » puisqu’il a dû transmettre le gène à cornes (a) pour en arriver à ce résultat. Par contre, si un taureau est accouplé à au moins dix vaches à cornes et que les veaux obtenus sont tous acères, la probabilité qu’il soit homozygote pour ce caractère est de 99,9 %. Il existe également des tests par ADN qui permettent de connaître rapidement le génotype d’un bovin pour ce caractère.
QU’EN EST-IL DES CORNILLONS OU « SCURS »?
Il s’agit de cornes partiellement développées qui ne sont pas implantées solidement sur la tête. Elles peuvent être aussi petites que des boutons et, dans certains cas, presque aussi grosses que des vraies cornes. Contrairement à la croyance populaire, les cornillons sont contrôlés par une paire de gènes différents de ceux des cornes. Il n’y a par conséquent aucun lien entre les deux phénomènes.
Ce qu’il faut se rappeler toutefois, c’est que le gène cornillons est dominant chez le taureau et récessif chez la vache. Il sera alors très facile d’identifier les mâles porteurs puisqu’ils présenteront automatiquement des cornillons. Par contre, une vache porteuse, à moins d’être homozygote, pourra les transmettre à sa progéniture sans pour autant en être pourvue elle-même. Conséquemment, ce gène sera difficilement décelable chez les vaches, surtout chez celles qui ne sont pas acères, puisque les cornillons seront alors cachés par la présence des cornes.
Avec ces quelques notions de base en tête, vous serez désormais en mesure de répondre à votre voisin la prochaine fois qu’il vous abordera avec l’un ou l’autre des énoncés présentés au début de cet article. Ainsi, un taureau qui « décorne » ses veaux à 80, 60 ou 40 %, ça n’existe pas. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un taureau homozygote acère produira uniquement des veaux sans cornes alors qu’un géniteur hétérozygote accouplé à des vaches à cornes ne pourra faire mieux que 50 % à ce chapitre.
C’est tout simplement la loi des probabilités qui s’applique puisqu’une fois sur deux, ce dernier transmettra le gène « cornes » à sa descendance. Dans le deuxième cas, il s’agissait obligatoirement d’un taureau et d’une vache hétérozygotes acères. En consultant le tableau, on remarque que dans 25 % des cas, un tel accouplement produit un veau à cornes. Finalement, pour répondre au troisième énoncé, mentionnons qu’un taureau ou une vache à cornes ne peuvent produire que des veaux à cornes s’ils sont accouplés à des animaux à cornes, peu importe qu’ils aient ou non des ancêtres acères dans leur généalogie.
Par : Pierre Desranleau, T.P.
Division des bovins de boucherie
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